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Démembrement et location meublée: Les enseignements de l’arrêt du conseil d’état du 24 avril 2019.

La question est d’importance, quel est l’impact d’un démembrement qu’il soit subi ou choisi sur l’amortissement du bien par un loueur en meublé soumis à un régime réel d’imposition?

Pour rappel l’un des intérêts d’opter pour un régime réel d’imposition consiste en la possibilité de diminuer de son résultat imposable l’amortissement du bien censé représenter la dépréciation de ce dernier au cours du temps.

Si le cas de l’amortissement d’un bien détenu en pleine propriété par le bailleur ne fait pas débat, il en est autrement du cas ou le bailleur est simplement usufruitier de ce dernier.

La réponse ministérielle FRASSA du 14 décembre 2017, avait semble-t-il écarté la possibilité d’amortir l’usufruit en tant que bien au sens strict, tout en laissant quelques doutes sur son amortissement en tant qu’immobilisation incorporelle :
Lorsque, à la suite d'une succession, la propriété d'un logement loué meublé est partagée entre un nu-propriétaire et un usufruitier relevant d'un régime réel d'imposition, les loyers sont imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux entre les mains de l'usufruitier qui ne peut pratiquer aucun amortissement à raison de ce logement dès lors que celui-ci ne fait pas partie de son actif immobilisé. Tels sont les éléments de réponse qui peuvent être apportés faute d'informations plus précises sur la situation visée par l'auteur de la question.
Cette position va dans le sens de la doctrine fiscale (BOI- BOI-BIC-AMT-10-20) qui précise que « les éléments mobiliers ou immobiliers dont une entreprise industrielle ou commerciale a la jouissance en qualité d'usufruitier ne font pas partie de son actif .Cette entreprise, dès lors, ne peut pratiquer aucun amortissement à raison de ces éléments. Elle est seulement admise à déduire de ses bénéfices les charges supportées par elle, au cours de l'exercice pour satisfaire à ses obligations d'usufruitier ».
 
Au vu de ce qui précède, l’absence d’amortissement de l’usufruit en tant que bien immobilier démembré est exclue.
Mais qu’en est-il de l’usufruit en tant que droit stricto-sensu ?
Sa nature viagère et sa dépréciation mécanique semble plaider en sa faveur.

Dans une décision attendue en date du 24 avril 2019, le conseil d’état a tranché cette question comme suit :
« L'article 39 du code général des impôts dispose : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, (...), notamment : (...) / 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation (...) ". En vertu de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ". Aux termes de l'article 322-1 du plan comptable général dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Un actif amortissable est un actif dont l'utilisation par l'entité est déterminable. / 2. (...) / L'utilisation d'un actif est déterminable lorsque l'usage attendu de l'actif par l'entité est limité dans le temps. Cet usage est limité dès lors que l'un des critères suivants, soit à l'origine, soit en cours d'utilisation, est applicable : physique, technique juridique. (...) ". Aux termes de l'article 595 du code civil : " L'usufruitier peut jouir par lui-même, donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit ", et aux termes de l'article 617 du même code : " L'usufruit s'éteint : / Par la mort de l'usufruitier ; (...) ". Il résulte des dispositions citées au point 3 qu'un élément d'actif incorporel ne peut donner lieu à une dotation annuelle à un compte d'amortissement que s'il est normalement prévisible, lors de sa création ou de son acquisition par l'entreprise, que ses effets bénéfiques prendront fin à une date déterminée. En premier lieu, il résulte des dispositions, citées au point 3, du code civil que l'usufruit viager est limité dans le temps et qu'il est, en tant que droit réel, cessible. Ses effets bénéfiques diminuent chaque année. Dès lors, c'est sans erreur de droit que la cour a jugé que la valeur de l'usufruit viager est dégressive avec le temps et que cette dépréciation peut justifier un amortissement. En second lieu, en vertu des dispositions de l'article 669 du code général des impôts, relatif à la liquidation des droits d'enregistrement et de la taxe sur la publicité foncière en cas de démembrement de propriété, la valeur de l'usufruit est déterminée, sur le plan fiscal, en fonction de l'âge de l'usufruitier et de son espérance de vie telle qu'elle ressort des tables de mortalité établies par l'institut national de la statistique et des études économiques. Il est dès lors possible de déterminer la durée prévisible des effets bénéfiques d'un usufruit viager en tenant compte de l'espérance de vie de son titulaire, estimée à partir de ces tables de mortalité »
 
Le raisonnement du conseil d’état s’articule autour de 3 matières :
 
-En matière fiscale : il est visé l’article 39 du CGI qui dispose que « Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt »
 
-En matière comptable : il est visé l'article 322-1 du plan comptable général dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Un actif amortissable est un actif dont l'utilisation par l'entité est déterminable. / 2. (...) / L'utilisation d'un actif est déterminable lorsque l'usage attendu de l'actif par l'entité est limité dans le temps. Cet usage est limité dès lors que l'un des critères suivants, soit à l'origine, soit en cours d'utilisation, est applicable : physique, technique juridique. (...) ".
 
-Enfin en matière civile, le conseil d’état vise l’article 617 du code civil, qui dispose notamment que l’usufruit s’éteint par le décès, l’usufruit est donc par essence temporaire et sa durée déterminable (sur ce dernier point, le conseil d’état renvoie d’ailleurs l’administration fiscale à l’étude de l’article 669 du code général des impôts.
 
CQFD !!
 
Le Conseil d’état admet donc l’amortissement de l’usufruit viager en tant qu’immobilisation incorporelle détaché de l’immeuble lui-même, attention cependant à la portée à donner à cet arrêt.
 
Il n’est pas question ici d’admettre l’amortissement de l’usufruit viager en tant qu’élément immobilier de l’entreprise mais bien en tant qu’immobilisation incorporelle, par conséquent sa durée d’amortissement ne sera pas celle de l’immeuble, mais bien celle de la durée de vie déterminable (via les tables de mortalité de l’INSEE notamment sauf cas particulier) de l’usufruitier.
 
Une grande vigilance devra donc être apportée dans le cadre notamment d’une donation entre vifs ou d’une succession quant au (re) traitement de ses amortissements.
 
Cette analyse du conseil d’état pourrait-elle également trouver à s’appliquer dans le cadre du 2 de l’article 39C du code général des impôts.
 
Ce point intéresse plus particulièrement les loueurs en meublés professionnels qui de par leur statut peuvent déduire du leur revenu global le déficit généré par leur activité LMP, dans la limite cependant des dispositions de l’article 39C qui vise à éviter les déficits résultant de la déduction d’amortissements :
Le 2 de l’article 39C du CGI dispose ce qui suit :
« En cas de location ou de mise à disposition sous toute autre forme de biens consentie directement ou indirectement par une personne physique, le montant de l'amortissement de ces biens ou parts de copropriété est admis en déduction du résultat imposable, au titre d'un même exercice, dans la limite du montant du loyer acquis, ou de la quote-part du résultat de la copropriété, diminué du montant des autres charges afférentes à ces biens ou parts. »
 
L’amortissement de l’usufruit viager étant considéré comme l’amortissement d’un élément incorporel, il semble ne pas être concerné par cette rédaction qui ne vise que l’amortissement du bien objet de la location, ce qui n’est pas le cas.

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